samedi 21 février 2009

Les dilemmes de l'humanitaire

Le jour de mon arrivée, je monte dans la voiture Aide Médicale Internationale qui m'amènera dans ma montagne. A l'arrière du pick-up, un enfant de trois ans est à demi conscient et sous oxygène. Sa maman s'affaire pour qu'il se sente le 'moins mal' possible durant les trois heures de route de montagne que nous allons parcourir. L'enfant et la maman rentrent au camp après un séjour à l'hôpital thaï. Notre organisation "réfère" en effet les cas les plus graves qui ne peuvent être traités dans nos hôpitaux des camps.

Sur la feuille qui accompagne l'enfant, il est écrit "back to camp". A priori, je me dis que cet enfant n'a pas l'air très en forme et je me demande pourquoi on le renvoie. Je tente de me rassurer en me disant que la médecine est un métier, que ce n'est pas le mien et que si on le renvoie chez lui c'est qu'il va mieux. Et bien, non.

Cet enfant était "hopeless", autrement dit sans espoir, luttant contre une méningite. On évite donc l'acharnement thérapeutique qui coute cher et on le renvoie chez lui pour qu'il y décède.

Et bien, là, j'ai un sacré coup et me demande quand même si je suis en accord avec la philosophie de mon ONG.... "Nous travaillons dans une approche santé publique" m'a-t-on répliqué, et la santé publique c'est la communauté avant l'individu.

Nous disposons d'un budget fermé non extensible (peu importent les événements et les éventuelles épidémies qui se déclareront dans les camps). De sorte qu'il faut faire des choix et on préfère soigner, avec les mêmes moyens, 10 personnes qui ont une infection curable que de faire de l'acharnement thérapeutique sur une seule personne si celle-ci est "hopeless".

Dur dur à accepter quand on a grandi dans une société où le moindre mal est pris en considération et où la question de ne pas soigner un enfant malade est inimaginable. Jamais en Europe, on ne laisserait mourir un enfant de 3 ans pour pouvoir en sauver d'autres.

"Quand tu travailles dans la santé et l'humanitaire, il faut arriver à prendre de la distance" m'a dit Fola mon collègue médecin. A méditer...

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